Un miracle

Posted by Maximeon octobre 5, 2014

J'ai épousé une ombre«J’ai épousé une ombre» de Robin Davis, il faisait chanter Nathalie Baye en épluchant un œuf dur. Dans «L’addition» de Denis Amar, il était un maton acharné à détruire l’innocent emprisonné… Richard Berry. «Dans ces films, les rôles étaient plus ou moins courts, mais j’ai été le grand vainqueur. On a de drôles d’idées sur les seconds rôles et les emplois de méchants! Au début, on est obligé de les accepter puis on les refuse vite. Moi, je continue. J’ai encore besoin de bons seconds rôles. Les méchants ont été, pour moi, un miracle.., mais un miracle pas facile à vivre. Quand on joue une vraie salope, on se retrouve dans un état second. On essaye de crucifier le personnage, pour lui donner une chance d’émouvoir. On est malheureux les deux premiers jourdu tournage. Généralement, on prend une cuite gigantesque. Puis on trouve le moteur qui aide à faire vivre le personnage. Mais on reste solitaire». Richard Bohringer tourne beaucoup. Cinq films rien que pour 1985: «Péril en la demeure» de Michel Deville, «Subway» de Luc Besson, «Le pactole» de Jean-Pierre Mocky, «Diesel» de Robert Kra-mer, «Cent francs l’amour» de Jacques Richard. Et déjà quatre films pour 1986. Sans oublier l’expérience théâtrale mémorable de «L’Ouest, le vrai». «Le cinéma, c’est la discipline, le 50 mètres. Le théâtre, c’est un mélange de 50 et de 10 000 mètres! Si je remonte sur une scène, ce sera dur d’oublier «L’Ouest, le vrai». Ça m’a touché en pleine tête. Les gens vibraient dans la salle. Avec Roland Blanche, on en sortait épuisés, éclatés et heureux». Aujourd’hui, Richard Bohringer est à un tournant de sa carrière. Les personnages évoluent et les rôles deviennent plus importants. En deux années consécutives, un cinéaste aussi exigeant que Michel Deville a su l’utiliser dans deux registres très différents : un tueur inquiétant pour «Péril en la demeure» et un «bon» docteur dans «Le paltoquet». «Deville, quand on lui chuchote quelque chose à l’oreille, il écoute, même s’il décide de faire autrement. Ça, j’aime! Quelle juvénilité et quelle passion. Raconter des histoires, c’est sa vie». Depuis «Le paltoquet», Bohringer a tourné trois films : «Ubac», de Jean-Pierre Grasset, où il est un écrivain en mal d’inspiration partant à la conquête de l’Aconcagua; puis «Kamikaze», de Didier Grousset (un premier film, produit par Luc Besson), où il est un flic cool et sans arme, aux côtés de Michel Galabru.«Kamikaze» est un vrai spectacle. Des jeunes ont mis leurs sous en commun et jouent banco avec ce film. En me demandant de participer à l’aventure, ils m’ont fait un vrai cadeau!». Et puis Richard Bohringer vient de terminer le tournage du «Grand chemin» de Jean-Loup Hubert, avec Anémone. Il y est un menuisier dont le couple va mal et qui se bourre la gueule, jusqu’à l’arrivée d’un petit garçon de la ville qui lui redonnera le goût de vivre. Ce personnage semble parfaite ment définir le personnage Bohringer : une grande gueule, un peu inquiétante et un peu maladroite au premier abord… mais ne parvenant pas à cacher une passion et une générosité qui font de lui un boulimique de la vie. Prochaines étapes dans l’irrésistible fuite en avant de Richard Bohringer : d’abord, en décembre prochain, le premier film (un de plus) de Jacques Santi, «Flag», et le passage à la réalisation. «Je ne sais pas si je réussirai parce que je place la barre très haut. Ce sera un western existentiel où je veux témoigner de toutes ces histoires d’amour et de musique dont je me suis barbouillé l’âme depuis 44 ans. Ma femme Astrid et Jacques Forgeas l’écrivent pour moi, et je canalise. Je le réaliserai pendant l’été 87, car j’ai besoin de soleil»! Bernard le gentil? Pierre le méchant? Bernard Pierre Donnadieu, blonde toison, cou de taureau, \ sourire crispé et regard d’acier possède quelque chose du brave toutou qui se prendrait pour un rhinocéros! Au cinéma, on lui a confié son comptant de rôles de loubards qui chargent de face, et de psychotiques qui assassinent froidement. Mais, dans la vie, Bernard-Pierre est le plus doux et le plus timide des hommes, exprimant un formidable besoin d’amour et de compréhension. Donnadieu est assurément l’acteur de composition par excellence. Aujourd’hui, le comédien a le sourire parce qu’il sait avoir habilement échappé aux stéréotypes de brutes épaisses. Mais le piège d’être cantonné dans des rôles de «monstres» risquait fort de se refermer sur lui. Tout a commencé avec «Judith Therpauve», de Patrick Chéreau, en 1978, où Bernard-Pierre s’en prenait à la pauvre Simone Signoret, puis avec «Le professionnel», de Georges Lautner, où l’on était presque heureux que le redoutable Bebel lui fiche son poing dans la figure. Les choses ont franchement empiré avec «L’indic», de Serge Leroy, en 1982, où Bernard-Pierre terrifiait avec un personnage de tueur fou en cavale puis avec «La mort de Mario Ricci», de Claude Goretta, la même année, où le comédien était réduit à un emploi d’odieux butor. «J’en ai un peu voulu à Claude, avoue Bernard-Pierre Donnadieu. Dans sa façon de me raconter l’histoire, mon personnage n’était pas aussi caricatural. Il a exploité la couleur physique que l’on utilise généralement chez moi. La prochaine fois que je travaillerai avec lui, je serai plus méfiant. Maintenant, je refuse ce genre de rôles s’il n’y a pas quelque chose à défendre. Je ne veux pas devenir le spécialiste du crime, je ne veux pas être victime des gens de ce métier qui manquent d’imagination. On n’arrête pas de me proposer ce genre de rôles. J’en ai accepté quelques-uns d’un point de vue stratégique et tactique. Je préfère être celui qui s’oppose à la vedette plutôt que le copain faire-valoir qui disparaît dans l’ombre. Avec les rôles de méchants, on est traité sur un terrain d’égalité. Ces personnages font peur, mais sont payants parce que les spectateurs s’en souviennent. Il faut seulement faire un vrai travail d’acteur. J’ai fait trois grands rôles de méchants et ils sont très différents. Quand j’ai accepté Hagen, le chef de bande de «Rue barbare», puis Lucas le vigile d’extrême droite d’«Urgence», j’ai fait confiance à Gilles Béhat parce que je savais qu’il me demanderait un véritable travail de composition et que les deux personnages seraient totalement différents de ceux que j’avais interprétés auparavant». En effet, Hagen et Lucas n’ont rien en commun. Dans «Rue barbare», Hagen, sorte de samouraï du kung-fu, porte costume clair et cheveux longs tirés vers l’arrière en queue de cheval. Et, dans un rapport ambigu d’amitié et de haine, il se livre à un duel à mort avec Giraudeau. «On a tourné la bagarre finale en un long plan, avec la caméra se déplaçant autour de nous. Le combat avait été longuement répété, mais on a encaissé quelques douloureux coups de tatane». Dans «Urgence», tout vêtu de cuir noir et coupe en brosse, Lucas traque avec hargne les témoins qui peuvent empêcher un futur attentat terroriste. «La sensibilité est une chose importante pour moi. J’ai toujours essayé d’équilibrer. Quand je jouais un méchant au cinéma, j’interprétais un gentil dans un téléfilm. J’en avais besoin». Dans «Double face», que Donnadieu tourne pour la télévision en 1985 sous la direction de Serge Leroy, le comédien interprète deux personnages : Rink le violent et Jean-Jean le paisible. «J’adorais passer de l’un à l’autre. J’ai un physique d’ours. Alors, quand je joue un gentil, ça surprend et c’est deux fois plus fort. Les producteurs et les réalisateurs devraient le comprendre! Pour le moment, j’ai eu de la chance que l’on me propose des choses passionnantes. Mais je n’accepterais pas un rôle simplement pour tourner. Je préfère devenir poseur de moquette à domicile plutôt que d’accepter des films nuls ou tourner avec des gens à qui je n’ai rien à dire! Je suis comme ça depuis l’enfance, je suis libre et je n’ai pas envie de me soumettre». Indépendant et volontaire, Bernard-Pierre Donnadieu a toujours su ce qu’il ne voulait pas. En 37 ans de vie, il a connu Paris pour y naître, les grands espaces canadiens pour y grandir, le lycée de Corbeil pour y passer son Bac, 1968 pour abandonner le conformisme ennuyeux du lycée et attraper le virus du théâtre, les années de galère pour se présenter aux concours des conservatoires de la rue Blanche et National d’arts dramatiques, et, par trois fois, être recalé, enfin le théâtre, le cinéma et la télévision pour y trouver sa voie. C’est d’abord le théâtre de Reims où Robert Hossein l’accueille comme élève acteur et lui offre sa première expérience de scène avec « Pour qui sonne le glas». Puis, un jour, pour un téléfilm, un réalisateur nommé Bruno Gantillon cherche un comédien au type nordique… Depuis, Donnadieu s’est accroché et a réussi à s’imposer comme comédien à part entière. En le voyant dans «Rue barbare», Claude Faraldo a immédiatement su qu’il avait son personnage de Robert Barnac, le chef de la grande famille viticole de « Flagrant désir». Et, au cœur de l’été 85, gourmand et gourmet, Ber-nard-Pierre a trouvé un mets de choix à se mettre sous la dent : une figure d’autorité aux commandes d’un bateau qui ne lui appartient pas. « Il est obligé d’en rajouter un peu. Il attaque, mais c’est lui le blessé, la victime». Entre Marisa Berenson, Lauren Hutton et Sam Waterston, Bernard-Pierre Donnadieu croit rêver. «Le soleil était là, le cadre était chouette, on dégustait de sublimes bordeaux, on s’entendait tous à merveille et on était curieux de ce que faisaient les autres. Le plaisir de faire un film, c’est un bon rôle et une solide histoire, mais c’est surtout cette intensité, le rapport avec les partenaires. Si on s’entend mal, la mayonnaise ne prend pas bien». Depuis son succès personnel dans «Flagrant désir», Bernard-Pierre Donnadieu a tourné «1996», une série noire TF1 avec un parfum d’anticipation, signée Marcel Bluwal, où le méchant de service, est interprété par André Dus-solier. Puis, continuant à négocier un tournant de carrière qui le mène vers les rôles les plus variés, il a été le mari, cocufié par un singe, de Charlotte Rampling dans «Max mon amour» de Nagisa Oshima. Certaines personnes ne m’ont pas reconnu dans ce personnage de lunaire qui essaie d’aider sa femme, mais tombe complètement à côté de la plaque. Je me suis servi de lunettes épaisses, avec lesquelles je ne voyais rien du tout, pour donner au personnage une gaucherie maladroite. Dans «Flagrant désir», j’étais arrivé sur le tournage avec une voix serrée au larynx car je voulais qu’on entende un peu le terroir et qu’on sente la fragilité de ce personnage de gueulard. Ça a plu à Claude Faraldo. J’aime dévier les personnages et trouver leur originalité, changer d’allure, de voix, d’émotion». Avec Laure Marsac et Charlotte Valandrey, le comédien vient aussi d’achever «Les fous de Bassan» d’Yves Simono, une coproduction franco-canadienne où il incarne un pasteur (très rigoureux) dévoré par un démon… l’amour. Et début 1987, Tavernier a l’ intention de lui confier un rôle de chevalier dans une France médiévale ensanglantée par la guerre contre les Anglais. Le personnage, qui a jadis tué l’amant de sa mère, affiche un profond mépris pour les femmes et se heurte violemment à sa fille. «Mais c’est ce personnage que le public devra aimer», précise Ber-nard-Pierre Donnadieu. Car là est tout le programme, le charme, le paradoxe et l’ambition de ce comédien solitaire : être un poids lourd rassurant!

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