Sales gueules

Posted by Maximeon septembre 24, 2014

Un beau jour de 1973, on l’a découvert sur le toit d’un immeuble de grande cité, prêt à sauter dans le vide, sous le regard hilare ou humide d’une foule et d’une famille qu’il voulait fuir. Le film, réalisé par Charles Maton, s’appelait «L’Italien des roses» et Richard Bohringer y apparaissait griffé dans l’âme et fragile au cœur. Pierrot lunaire avec, dans l’œil, l’étincelle du malin et, au coin des lèvres, l’étincelle du «ravi» (celui de la crèche provençale)! Et cette voix, rauque comme un souffle, tenant à la fois du cri d’amour et de l’ironie du désespoir. On croyait ne plus oublier Richard Bohringer. Pourtant, le comédien retomba dans l’indifférence. Pour le revoir sur un écran de cinéma, il fallut attendre des petits rôles, presque des apparitions, à la fin des années 70 : «Martin et Léa» d’Alain Cavalier, «L’inspecteur la bavure» de Claude Zidi, «Le dernier métro» de Truffaut, «La boum» de Claude Pinoteau, «Les uns et les autres» de Claude Lelouch, «Le mauvais fils» de Claude Sautet… un compromis entre le film d’auteur et le cinéma commercial, souci évident de la qualité. Et puis, en 1980, il y eut «Diva» de Jean-Jacques Beineix… et la redécouverte d’un Richard Bohringer qui, pour survivre, se battait sur d’autres fronts. L’écriture d’abord, des nouvelles, plusieurs pièces de théâtres («Zorglub» en 1966 ou «Les girafes» que Lelouch produisit à la Gaîté.

Richard Bohringer les méchants ont été pour moi un miracle

Montparnasse en 1967) et quelques scénarios («La punition», «Il pleut toujours où c’est mouillé», «Beau masque», «Cinq gars pour Singapour» et «Un homme de trop» avec Costa-Gavras et Daniel Boulanger). La musique ensuite : deux albums de chansons et bientôt un troisième. Et la scène : depuis 1979, Bohringer balade un spectateur de music-hall, textes et chansons. Le théâtre enfin : il vient d’achever 160 représentations de «L’Ouest, le vrai» de Sam Shepard, à Paris et à travers la France. Même loin des feux «starifiant» des médias,Richard Bohringer Richard Bohringer «l’Artiste» a continué d’exister. «J’ai 44 ans, avoue-t-il, et je me dis que c’est incroyable ce que la vie a été magnifique. Je viens de l’écriture. J’ai vécu l’expérience du jazz qui m’a foudroyé en pleine tête. Maintenant, je suis acteur et je n’ai pas envie que ça s’arrête. Je ne prends jamais de vacances, juste quelques jours de marche en Haute-Savoie pour me régénérer. Mon métier, ce sont mes vacances. J’ai vraiment l’impression d’être un privilégié!» L’homme heureux Bohringer doit beaucoup au personnage nocturne de «Diva».., ange gardien mystérieux, inquiétant et fragile. Soudain, les réalisateurs et gens de cinéma lui ont redécouvert une présence dont ils ont décidé de ne plus se passer. A partir de «Diva», l’acteur de cinéma Bohringer a beaucoup tourné… beaucoup de premiers films pas toujours réussis. Choisir n’est pas évident… «Franchement, il y a cinq ans, je ne savais pas comment se passerait ma vie. J’ai longtemps été le clown de ces messieurs-dames. J’étais l’acteur le plus doué de ma génération mais… on ajoutait : «Il se bourre la gueule, quel dommage!» Au cinéma, j’ai la position que mon caractère m’a donnée. J’ai fait beaucoup de premiers films. J’y ai laissé beaucoup de plumes et, aujourd’hui, j’ai décidé d’être plus sévère dans mes choix. Mais je les cautionne tous. Le premier privilège, dans ce métier, c’est d’exister… tout en restant lucide. Je connais les erreurs de ces films mais, la plupart du temps, je me suis défoncé parce que les rôles étaient beaux. Ça aide à exister! Le premier jour de tournage, je sais si je suis dans une galère ou non»… «Le destin de Juliette», d’Aline lsserman, était un premier film et un superbe rôle de mari brutal et alcoolique! «La bête noire», de Patrick Chaput, une autre première œuvre, lui a offert un joli personnage de scénariste désabusé et cynique «vampirisant» les souvenirs d’un jeune loubard pour trouver une bonne idée de film. Avec son goût de l’aventure et des rencontres, Bohringer s’est offert quelques mets de choix! «Il faut que le réalisateur me branche tout de suite. Ce qui me décide à faire un film, c’est un peu l’histoire, mais surtout le plaisir que j’ai pris en passant une soirée avec lui. C’est ma façon de jauger et d’accorder du crédit à un cinéaste. Je reste ami avec beaucoup d’entre eux. J’aurai toujours une préférence pour ceux avec qui j’aime faire la fête. Chaque rôle est l’occasion d’un beau décollage. Je veux voir jusqu’où je peux aller!» Parallèlement à ces films de jeunes auteurs, Richard Bohringer a joué les seconds rôles dans des films plus commerciaux de cinéastes plus… confirmés. Et, en général, ces seconds rôles étaient des méchants biens juteux et solides à se mettre sous la dent. Dans «Le grand pardon» d’Alexandre Arcady, il était le tueur implacable.

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